Le grand plan pour la e-éducation : plan B ou plan sur la comète ?

Économie Éducation

Lors de ses nombreux discours durant la campagne présidentielle, Vincent Peillon a mentionné à de multiples reprises un « grand plan pour la e-éducation ». Mais depuis l’élection de François Hollande, la question d’un investissement massif dans l’éducation numérique ne semble plus d’une actualité brûlante. La question des rythmes scolaires et de la semaine de cinq jours occupe le devant de la scène avec celle de l’affectation des 1 000 postes pour le premier degré. On sait déjà que l’été sera occupé par la préparation d’une grande loi sur l’école. Espérons tout de même que pour la rentrée, la question de l’éducation numérique soit à nouveau débattue. Que ce soit en termes d’équipement matériel et logiciel, de formation, les investissements nécessaires semblent colossaux en temps de crise. D’un point de vue politique, la question n’est pas simple non plus. Les collectivités vont-elles continuer leurs investissements dans l’éducation numérique sans avoir de retour concret sur leur impact pédagogique ?

Lors de son discours sur la e-éducation, prononcé à l’Institut Edgar Quinet le 30 mars 2012, Vincent Peillon a affirmé qu’il fallait absolument changer d’échelle en matière de numérique pédagogique. Il commence alors sa réflexion en soulignant le fait que la France ne serait pas si mauvaise en termes de terminal informatique par élève. Elle est 8ème sur 27 pays européens en matière d’équipements des établissements du secondaire en ordinateur. Cependant, les moyennes dans ce domaine n’ont pas beaucoup de sens. Elles montrent par exemple qu’un élève sur dix disposerait d’un poste informatique au collège ou au lycée. Dans le détail on s’aperçoit que les disparités sont très fortes entre niveaux d’enseignements, entre territoires, entre le parc d’ordinateurs budgété, le parc livré, celui qui est installé dans les salles informatiques à disposition des élèves et celui qui fonctionne. La question de la maintenance étant souvent une pomme de discorde entre rectorats et collectivités, la fourniture des formations étant pas forcément synchrone avec celle des outils, il faudrait vérifier les chiffres théoriques pour rétablir la France à son véritable rang qui ne doit pas être si glorieux.

Les écoles françaises pas trop mal équipées en outils numériques sous-utilisés

Car comme le souligne à juste titre Vincent Peillon, lors de ce même discours, c’est la question des usages qui pêche en France. Nous sommes 23ème sur 27 pour l’utilisation de l’ordinateur en classe (seuls 8% des enseignants se servent d’un ordinateur en classe à l’école primaire). Pire, nous sommes 27ème sur 28 pour l’usage de l’outil informatique dans un contexte pédagogique. Face à ce constat beaucoup plus alarmant le ministre s’interroge et creuse plusieurs pistes. Selon lui, la tradition pédagogique française correspond peu aux pratiques permises par le numérique (interactivité, projets, etc.). Il ajoute qu’il y a encore beaucoup de préjugés : le sentiment chez les professeurs d’avoir affaire à des « gadgets » sans intérêt pédagogique et l’idée d’une maîtrise spontanée des outils numériques chez les enfants. Mais le gros morceau, c’est la formation. A l’heure où les IUFM nouvelle formule pointent le bout de leur nez, espérons que l’éducation numérique puisse afin y avoir une place de choix tout en s’imposant dans les concours de recrutement.

Le ministre insiste aussi sur le sens à donner à cet effort colossal qu’il appelle de ses vœux. Pour mobiliser les enseignants et les autres personnels d’éducation, il faut un axe fort et des objectifs clairs. Ce sont les territoires défavorisés et le premier degré qui profiteraient en priorité d’une attention toute particulière grâce à ce plan pour l’éducation numérique. Dans son discours, le ministre rappelle que les dernières études PISA ont montré que les élèves issus de familles défavorisées sont les moins à même de développer des usages de l’internet bénéfiques d’un point de vue scolaire. Selon lui, il faut donc donner des repères dans cette nouvelle société, apprendre à manipuler les informations et à hiérarchiser les sources de savoir, savoir aller chercher la source primaire d’une information, d’une donnée, distinguer les sites fiables des sites qui ne le sont pas, améliorer la pertinence des recherches effectuées…

Mais il faut aussi préparer à la société, à la culture et à l’économie numériques, familiariser nos enfants à l’immatériel, développer chez eux des aptitudes différentes de celles d’hier : plus de réseau, plus d’autonomie, plus d’interaction, plus d’esprit d’initiative. Il faut les former à la sociabilité numérique. Il faut une éducation civique 2.0 où les enfants apprennent à participer à la vie démocratique en ligne, à s’exprimer, où ils comprennent les libertés individuelles, l’exercice de l’esprit critique, le respect de la vie privée. Bref les ambitions didactiques affichées demanderaient une refonte quasi-totale et progressive des programmes scolaires de la maternelle au lycée.

Des ambitions fortes et un plan d’action… à actionner

Pour mémoire, à la fin du mois de mars, le grand plan pour la e-éducation comportait déjà trois volets orignaux. Une refonte de la formation au numérique, plus en conformité avec les attentes des enseignants, valorisée dans leur parcours professionnel et obligatoire pour les cadres intermédiaires et supérieurs dont le devoir est d’assurer la conduite du changement en la matière. Une véritable politique industrielle pour démultiplier la production de ressources pédagogiques numériques. A été soulignée également la nécessité d’innover en matière de manuels numériques ou autres ressources pour assurer l’excellence du secteur français grâce à des partenariats avec la recherche. Un troisième axe ambitieux a été nommé « e-école publique » par le ministre. Il s’agit d’une école en ligne, totalement ou partiellement, permettant la diffusion de ressource ou le soutien scolaire.

Comme chacun pourra le constater, il y a du pain sur la planche. Les questions essentielles restent posées : on commence quand ? Comment ? Avec qui et avec quels moyens ?