Le mythe de la machine à enseigner, ou du professeur robot, se retrouve périodiquement renouvelé par des avancées technologiques ou par des initiatives prises par des enseignants et des établissements scolaires. Même si les progrès de l’intelligence artificielle sont fantastiques, ces sujets font polémiques. Car il ne saurait être question de remplacer l’enseignant par un quelconque artefact. Au contraire, on commence à entrevoir ce que pourrait être l’enseignement assisté par ordinateur : pour certaines tâches comme la correction d’évaluations formatives telles que les questionnaires, les enseignants pourraient se reposer plus généralement sur l’ordinateur. Quoiqu’il en soit, il paraît peu probable que ce soit un amas de boulons et de vérins qui assiste le professeur du futur. C’est plutôt le HAL 9000 de Stanley Kubrick qui concentre les espoirs et les craintes…
Par le biais d’une campagne de communication mondiale qu’il maîtrise parfaitement, le ministère de l’éducation de Corée du Sud a défrayé la chronique à la fin de l’année 2010 avec ses robots professeurs d’anglais. Selon la plupart des journalistes, il s’agissait d’une révolution. D’autres ont très vite dénoncé un dispositif digne d’un prestidigitateur de foire. En effet, ces robots étaient contrôlés à distance par des professeurs d’anglais travaillant depuis les Philippines. La curiosité a donc très vite cédé la place à l’indignation et le programme pilote a été arrêté. Le robot ne semblait être qu’une partie du dispositif permettant de faire bénéficier les jeunes élèves de l’école publique coréenne de cours d’anglais à moindre coût. Cependant, à l’heure où les coupes budgétaires sont de rigueur dans la plupart des pays européens, il n’est pas sûr que les dispositifs de délocalisation des enseignements de langues ne soient pas à nouveau expérimentés avec des robots, ou sans déguisement.
Des faux robots et des correcteurs automatiques idiots
En avril 2012, les robots ont à nouveau fait parler d’eux dans l’éducation. Bientôt, les enseignants seraient susceptibles de bénéficier du soutien de robots correcteurs de copies. Les « Robo-graders » comme les nomment les enseignants américains, ont fait leur apparition dans les médias suite à une étude menée par Mark Shermis de l’université d’Akron, reprise par Michael Winerip du New York Times. Le programme en question, nommé e-Rater, pourrait déjà corriger une trentaine de compositions par heure. Il serait donc aussi bon qu’une équipe de rédacteurs humains. D’autres expérimentations sont menées dans ce sens, par Pearson notamment. Le gros problème tient en ce que ces logiciels sont stupides, ne font pas la différence entre le vrai et le vraisemblable d’un point de vue formel, et ont tellement de biais qu’ils pourraient être facilement détournés par des étudiants moins bêtes qu’eux. Les enseignants ne peuvent s’en servir que pour évaluer la structuration formelle d’une rédaction, mais ils ne peuvent rien en attendre de plus.
Vers un modèle freemium/premium dans l’enseignement supérieur américain ?
Le recours à des logiciels de correction de tests s’impose peu à peu à l’heure de la massification de l’évaluation et des cours magistraux. Les économies d’échelle sont recherchées dans l’enseignement supérieur notamment chez les entreprises commercialisant des tests. L’expérience menée par deux enseignants de Stanford qui consistait à proposer un cours d’informatique gratuit à plusieurs milliers d’étudiants en simultané a nécessité de recourir à des procédés d’intelligence artificielle pour faciliter la correction des examens. D’ailleurs, les enseignants ayant participé à cette initiative, menés par Sebastian Thrun, ont lancé leur propre entreprise, Udacity.
Aujourd’hui, un demi-million d’étudiants sont attendus pour assister à six cours d’informatique d’Udacity avec des examens toutes les huit semaines environ. Le cours étant gratuits, impossible de payer des correcteurs pour ces 500 000 copies tous les deux mois. Dans la même veine, d’autres initiatives philanthropiques se développent comme Coursera ou encore edX grâce au partenariat entre Harvard, le MIT et sa plateforme MITx. Après avoir eu l’enseignement supérieur le plus cher et le plus sélectif au monde, les Etats-Unis s’apprêtent à dominer l’enseignement supérieur à l’échelle mondiale en cassant les prix. On peut se demander dans quelle mesure cette offre « freemium » ne servirait pas à défendre l’offre « premium » des campus américains les plus prestigieux.