La question de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement occupe souvent un chapitre entier du règlement intérieur et fait même parfois l’objet d’une charte additionnelle facilitant son exégèse. Considéré comme une source de distraction pour l’apprenant, seul ou en groupe, il est interdit lors des examens. S’il semble à première vue incompatible avec le système d’éducation tel que nous le connaissons aujourd’hui, des enseignants l’expérimentent pourtant en classe pour des activités pédagogiques.
La mobilité, le « mlearning », les terminaux mobiles en général, et le « smartphone » en particulier, font partie des sujets en vogue chez les acteurs du monde de l’éducation. Un temps oublié, du fait du déferlement des tablettes, l’introduction du téléphone portable dans les salles de classe est de nouveau un sujet d’actualité. L’Unesco a annoncé en décembre 2010 un partenariat avec Nokia afin de développer un programme d’éducation conçu autour du téléphone portable pour la formation des enseignants et des élèves des pays en voie de développement : il s’agit du seul terminal connecté à un réseau de communication à la disposition d’un grand nombre de communautés éducatives de par le monde.
Les initiatives menées sous nos latitudes restent humbles, mais décisives. En Suisse, le téléphone portable remplace avantageusement l’appareil photo, le lecteur de CD et la calculatrice dans des écoles primaires. Dans des lycées français, il est utilisé ponctuellement en classe pour accéder à des informations sur internet ou pour échanger sur des réseaux sociaux tels que Twitter. Son module GPS permet même d’animer des cours de géographie professés lors de sorties en plein air. Dans des collèges et lycées britanniques, des groupes d’élèves avec leurs professeurs s’ingénient à trouver les applications sociales du téléphone qui permettront d’améliorer la vie de chacun dans le cadre du programme « Apps for good ».
Un terminal personnel pour un enseignement individualisé
De plus en plus de fonctions sont concentrées dans ces terminaux. Ils permettent d’apprendre en mobilité, dans la limite de la couverture réseau disponible, et de faire le lien entre l’école et le foyer ou entre l’école et l’entreprise. Ce lien est personnel car, contrairement à la tablette tactile ou au netbook, l’élève s’approprie le terminal. Cette personnalisation du téléphone permet de traiter des problématiques liées à l’individualisation de l’éducation ou encore au traitement de l’hétérogénéité : l’enseignant peut s’adresser à un élève en particulier en l’identifiant par le biais de son appareil personnel. Le « smartphone » permet donc d’individualiser l’enseignement tout en étant l’outil de socialisation par excellence : de nombreuses activités pédagogiques peuvent ainsi bénéficier des possibilités de communication variées offertes par l’appareil.
D’autres fonctions comme le GPS, la lecture des « quick response codes » ou « QR Codes », l’utilisation des technologies de réalité augmentée, la lecture des puces RFID, la « near field communication », permettent à l’élève d’interagir avec son environnement et ainsi de situer ses apprentissages. L’expérience pédagogique de l’apprenant est ainsi enrichie dans la mesure où les connaissances et compétences ciblées s’inscrivent dans un contexte familier pour l’élève : il peut les relier à des lieux, des personnes, des moments ou des objets. Les fonctions permettant la capture de sons, d’images, de vidéos participent de ce phénomène.
Des interrogations, un besoin de formation, un potentiel grandissant
Quelques questions essentielles restent cependant en suspens lorsqu’il est question d’introduire le « smartphone » dans la salle de classe. La première est liée à l’accès au réseau. Les infrastructures sont actuellement déficientes et il n’est pas encore envisageable de permettre par exemple à tous les élèves d’un lycée d’utiliser en même temps leur connexion 3G pour effectuer une activité pédagogique. Une solution mixte s’impose avec des accès Wifi complétés ponctuellement par des sollicitations de la couverture 3G. D’autres questions liées à la sécurité sont également mises en avant par les sceptiques : comment contrôler l’accès aux sites consultés par des mineurs ? Comment éviter les vols et les agressions pouvant y être liées ? Une des questions fondamentales concerne la nature des usages qui seront développés par l’introduction de ces terminaux : cela entraînera-t-il plus d’apprentissage ou plus de distraction ?
Les actions de formation permettront de résoudre nombre de ces questions. Des réponses techniques peuvent être apportées concernant le vol, le filtrage des sites disponibles, le « tracking » des utilisateurs, la limitation des usages de la voix ou des SMS. Mais la formation des élèves et des enseignants permettra de développer les bonnes pratiques et de démontrer le potentiel pédagogique de ce terminal. Avec l’arrivée programmée de la 4G, de la 3D, des pico-projecteurs, de terminaux de plus en plus ergonomiques et de plus en plus puissants, un travail de veille et d’expérimentation devra être mené par les acteurs de l’éducation pour valoriser l’utilisation en classe d’un terminal qui, dans quelques années, devrait être présent dans toutes les poches des adolescents.